Lulu / Frank Wedekind

         

Crédits photo : Christophe Raynaud de Lage

  • mise en scène & scénographie Paul Desveaux
  • assistante à la mise en scène Amaya Lainez
  • musique Vincent Artaud
  • chorégraphie Cécile Loyer
  • lumière Laurent Schneegans
  • costumes Alexia Crisp Jones
  • conceptrice marionnette Einat Landais
  • avec Antoine Berry-Roger, Serge Biavan, Ninon Brétécher, Fabrice Cals, Anne Cressent, Daniel Delabesse, Andréas Goupil, Thomas Harel, Jonas Leclere, Alain Payen, Baptiste Roussillon
  • musiciens Michaël Felberbaum guitare, David Grébil batterie/percussions, Vincent Lafont synthé/claviers
Coproduction
  • Centre Dramatique National Normandie-Rouen, Le Volcan/Scène Nationale du Havre, Théâtre de l'Union/Centre Dramatique National du Limousin, Le Tangram/Scène Nationale Evreux-Louviers

Je lisais, il y a quelque temps, un article dans le journal Le Monde sur l’arrivée en France d’un site web américain qui proposait que des étudiantes « sugar babies » qui ont des difficultés financières, rencontrent de riches hommes « sugar dadies » qui seraient prêts à les entretenir.
Ce site rendait visible et de manière un peu brutale quelque chose qui a toujours existé. Mais ce qui était à peine avouable, il y a quelque temps, apparaît aujourd’hui comme un service quasi normal, comme la livraison de sushi ou la VOD.
Ce marché, ce « deal » comme pourrait le qualifier Koltès, pose l’argent et le sexe comme deux faces d’un pouvoir. Bien qu’ici, il s’agisse d’une prostitution à peine déguisée, il n’en reste pas moins que les faveurs sexuelles ont été, tout au long de notre histoire, une monnaie d’échange efficace. A ceci près que le sexe a souvent été le pouvoir du pauvre.

La question qui se pose alors est comment envisageons-nous l’autre? Que représente-t-il?

L’argent et le sexe posent toujours la question de l’altérité. Dans les deux cas, c’est l’expression d’un désir de possession. Ils sont l’un et l’autre les moyens d’exercer un pouvoir. L’autre devient un objet de désir, et dans les cas extrêmes, il n’est plus que l’objet du désir. Tout devient alors objet, même le corps de l’autre. L’autre disparaît dans le fantasme du désirant. Il n’est plus que projection : projection de sexualité ou projection d’ascension sociale, par exemple. A cet instant, nos êtres s’évanouissent dans une rêverie qui peut vite tourner au cauchemar quand le réel refait surface.
Ce qui réfrène ces désirs, c’est finalement le cadre que propose une société. Ou comment nous nous inscrivons dans une sociabilisation de nos  pulsions. Et une des sociabilisations possibles, c’est le partage qui va à l’encontre d’un désir de possession unilatéral. Le partage oblige à considérer l’être qui est en face de nous.

Ce que nous lisons chez Maupassant, nous le retrouvons d’une manière plus acerbe chez Wedekind ou encore aujourd’hui dans les pages du quotidien Le Monde. Dans les profondeurs de nos relations, il semble donc que les choses aient peu changé depuis l’avènement de l’ère l’industrielle au XIXème siècle.

Il n’y a guère ici d’évolution et c’est peut-être tout le tragique de l’être humain : nous n’améliorons pas nos abîmes intérieurs.

Paul Desveaux