Il n’y a rien d’autre à faire que d’écrire la vérité. Il n’y a pas d’autre raison d’écrire. Je dois écrire parce que j’ai cette compulsion en moi. Je ne peux rien dire de plus. Je m’agenouille devant toi et je prie pour être honnête… J’ai des élancements dans le cerveau. Ils seront effacés ou jamais rien ne le sera. Respectes-tu ceci, Neal, et me respectes-tu ?
Lettre à Neal Cassady, Jack Kerouac
Je suis parti début novembre à New-York avec le réalisateur Santiago Otheguy. Nous étions convenus quʼil ne sʼagissait pas de rendre compte des Etats-Unis dans leurs puissances et leurs réussites, mais nous voulions capter des moments, des instants dʼune ville, emblème de la société américaine avec les regards distants dʼun français et dʼun argentin. Jʼai fait appel à Santiago Otheguy parce que jʼavais vu ses travaux non descriptifs sur Buenos Aires entre autres, et je ne voulais pas mʼimproviser réalisateur.
Proposer une image sur la scène dʼun théâtre dans un contre point non narratif, procède du même cheminement que jʼavais eu avec la chorégraphie : un autre langage afin dʼouvrir un peu plus les perspectives du texte, et approfondir cette matière que représente lʼimaginaire.
Je crois avoir trouvé, en lisant lʼœuvre de Jack Kerouac, lʼécriture des espaces — en particulier des grands espaces — comme on le trouve dans le cinéma américain.
Dans le flot des mots, parfois sans ponctuation, réside lʼidée de voyage. La forme rejoint le fond comme dans La grande traversée de lʼOuest en bus ; et dans la volonté de rendre lʼœuvre ouverte que représente la réalité, lʼauteur abandonne « la belle phrase » au profit dʼun langage, non pas moins beau, mais sans doute plus proche des images que le siècle a véhiculé à travers la photographie et le cinéma. À ce sujet, il suffit de lire le récit du voyage avec Robert Frank, En route vers la Floride, où Jack Kerouac tente de saisir par le verbe lʼinstant photographique.
Paul Desveaux